Mélanie Laurent porte un chemisier bordeaux à pois orange et des bijoux en or. Elle est assise sur un canapé bleu. Elle est blonde, a les cheveux longs, et elle fixe l’appareil photo.

Mélanie Laurent

Dans Oxygène d’Alexandre Aja, l’actrice campe son rôle le plus éprouvant physiquement à ce jour.

Photo d’ouverture Frédéric Auerbach
28 mai 202110 MINS

Quand on pense que le rôle de Liz Hansen, dans le thriller de science-fiction Oxygène, a failli lui échapper, on en frémit. Sur un scénario signé Christie LeBlanc, ce projet devait être réalisé en anglais par Franck Khalfoun, avec Anne Hathaway, puis Noomi Rapace dans le rôle principal. Mais il aura fallu, ironie du sort, que la pandémie et le confinement s’en mêlent pour rebattre les cartes et contraindre Alexandre Aja (La colline a des yeux, Crawl) à rentrer en France pour tourner son premier long métrage en français depuis près de vingt ans. Désormais produit par Netflix, Oxygène est devenu un survival dystopique captivant... interprété par Mélanie Laurent !

Allongée dans son caisson cryogénique, Mélanie Laurent semble repousser la paroi supérieure, comme pour mieux nous faire ressentir l’exiguïté du lieu. Elle porte une blouse d’hôpital blanche en tulle de nylon et elle est reliée à des tuyaux. Le caisson fait penser à un vaisseau spatial.

Dans ce film claustrophobe, Mélanie Laurent est seule à l’écran pendant 1h40 et semble disparaître derrière le personnage de cette jeune femme, tour à tour désespérée et enragée. Liz se réveille, enfermée dans un caisson cryogénique, sans savoir comment elle s’est retrouvée là. Elle n’a que peu de temps pour s’en échapper car l’oxygène du caisson diminue à chaque instant. Scrutée par une caméra omniprésente, mais jamais voyeuriste, Mélanie Laurent se met incontestablement en danger : enfermée neuf heures par jour dans une boîte exigüe, elle subit le calvaire de son personnage, parant aux assauts d’une seringue-serpent et affrontant d’authentiques décharges électriques !

Artiste aux multiples talents, Mélanie Laurent nous a accordé quelques moments alors qu’elle met une touche finale à son propre film, Le Bal des folles, et s’apprête à réaliser sa première série, À mains nues. On ne l’arrête plus !

Dans une scène évoquant un flash-back, en raison de l’éclairage, Mélanie Laurent et un homme se trouvent dans un laboratoire, portant tous les deux une combinaison de protection intégrale de couleur verte. Elle tient une souris à la main, et on aperçoit à sa droite et derrière elle, plusieurs boîtes transparentes contenant des souris blanches.

Franck Garbarz: Qu’est-ce qui vous a intéressée dans ce projet hors du commun ?
Mélanie Laurent: Ce n’est pas tous les jours qu’on vous propose un rôle aussi incroyable et émouvant. C’était un challenge mais je savais que c’était entre les mains d’Alexandre Aja, ce qui donne très envie. Et l’idée de se dépasser, de tenter une expérience inédite, c’était un cadeau ! J’ai lu le scénario en deux heures et j’ai aussitôt donné mon accord à Alex en le remerciant d’avoir pensé à moi.

Comment avez-vous réagi en lisant le scénario ?
ML: Il était brillamment écrit et comportait une grande palette d’émotions. Non seulement je me suis fait avoir la première fois que je l’ai lu, mais ce qui m’a hallucinée, c’est qu’en voyant le film neuf mois après, j’avais oublié certains rebondissements. Je me demandais « comment elle s’en sort ? » alors que je connaissais l’intrigue !

Vous n’aviez jamais joué dans un film de science-fiction ou de terreur...
ML: J’adore la science-fiction qui était un vrai fantasme pour moi. Mais j’ai quand même aussi l’impression que le film est un thriller profondément émouvant, suffocant et parfois métaphysique. En lisant le scénario, je ne me suis pas dit « Quel film de science-fiction incroyable » mais je ne savais pas où j’étais, tout comme le personnage. La SF impose le plus souvent un vaste décor, de grandes idées, de nouvelles populations, des accessoires surprenants. Ici, on met beaucoup de temps à comprendre où on est.

On vous sait très sensible aux questions environnementales et le postulat d’Oxygène n’est pas sans rapport avec ces préoccupations.
ML: Si on vous dit que dans 300 ans, il n’y aura plus rien sur Terre, l’échéance est trop lointaine pour se projeter et se remettre en question. Mais dans Oxygène, ce postulat est un futur très proche, où l’on parle même d’un virus, d’une grande pandémie, et d’une destruction de la planète. Quand en plus les personnages ne sont pas des super-héros, on peut être ému. Et pour faire changer les gens, et leur faire peur sans les décourager, il n’y a que l’émotion. C’est tout ce que j’aime dans le cinéma engagé et militant et cela rejoint ce que j’ai fait dans le passé : émouvoir les gens en leur disant qu’il n’est pas trop tard.

Comment avez-vous abordé le personnage ?
ML: Ce qu’on voulait avec Alex, c’est qu’elle reste très humaine. Et on tenait à éviter de faire d’elle une super-héroïne – le type de personnage qui trouve des solutions quand tout semble perdu et qui fait un pied-de-nez à la mort. On est en totale empathie avec elle. D’ailleurs, les seuls changements qu’on a apportés au scénario d’origine, c’était d’atténuer un peu la colère du personnage et d’instaurer quelques silences. Il fallait jouer avec ces émotions en se demandant ce qu’elle ressent à tel ou tel moment.

Le film ne pouvait se faire qu’ensemble, ou pas.

Mélanie Laurent

Liz, votre personnage, traverse toute une gamme d’émotions, de la terreur à la colère, de l’abattement à la joie soudaine d’un éclair de mémoire.
ML: C’était le plus difficile pour moi. La rage et la colère sont des sentiments que je ne connais pas et qui me mettent mal à l’aise. Je n’avais jamais réussi à les exprimer, et je n’avais jamais voulu jouer de rôle qui fasse appel à ces émotions. Quand j’ai lu qu’elle tapait dans le caisson et qu’elle balançait des insultes, j’ai appelé Alex en lui disant que j’appréhendais ces scènes. Mais l’avantage, c’est qu’on tournait parfois des prises de trente minutes, un peu comme au théâtre, et que j’avais le temps de me mettre dans l’état d’esprit du personnage. En outre, on tournait dans l’ordre chronologique, ce qui est un luxe incroyable : je pouvais jouer l’évolution du personnage et, quand je revenais le lendemain matin, je « retrouvais » Liz là où je l’avais quittée la veille.

C’était d’autant plus difficile que vous n’aviez pas de partenaire.
ML: Pas tout à fait. Alex m’avait proposé de choisir qui je voulais comme « partenaire » virtuel dans l’oreillette car on avait besoin de vraies pulsations de jeu. Du coup, j’ai choisi Morgan Perez, mon meilleur ami, qui me dirige dans les films que je réalise. Je le connais depuis vingt ans, et il me donnait la réplique en quelque sorte. Avec Morgan, j’avais la sensation de ne pas jouer, mais de vivre les situations.

Le sentiment de claustrophobie est plus que palpable. Comment avez-vous vécu l’enfermement dans le caisson ?
ML: C’était plus facile que de jouer avec des partenaires en chair et en os et j’ai eu du mal à sortir du caisson ! Je me suis créée une bulle alors qu’on sortait du confinement, et je suis passée d’une bulle à l’autre en quelque sorte ! Il faut dire que je ne suis pas du tout claustrophobe. En revanche, si Alex m’avait proposé un rôle sous l’eau, je n’aurais pas accepté !

Avez-vous suivi une préparation particulière ?
ML: C’est la prépa physique qui m’a permis de faire la prépa mentale ! J’étais sur mon île en Bretagne quand Alex m’a appelée. J’y suis restée un mois de plus, j’ai beaucoup couru, comme jamais auparavant. J’étais dans un lieu sauvage et j’ai capté le maximum de grands espaces dans ma tête, comme si je prenais des photos de nuages, de coups de vent, de ciel. Je me suis énormément concentrée sur les éléments comme si je devais emporter l’album dans mon caisson.

Mélanie Laurent se tourne sur le côté dans le caisson cryogénique. Elle porte une blouse en tulle et elle est couverte de tuyaux bleus et rouges. L’atmosphère est sombre et claustrophobe. Elle semble parler à quelqu’un . . . peut-être MILO ?

Outre la course, comment vous êtes-vous entraînée physiquement ?
ML: J’ai fait beaucoup d’abdos et de gainage, car Liz ne dispose que d’1m2 dans le caisson : j’étais allongée toute la journée, je devais me balancer quand je me fais électrocuter ou que je m’arrache les perfusions, et c’est donc le gainage qui m’a servi car tout part du ventre. D’ailleurs, je ne me suis jamais fait mal. Je passais 8 ou 9 heures par jour dans la boîte. Mais j’allais bien !

La première séquence évoque une naissance, comme un animal qui perce une poche fœtale...
ML: Ce n’était pas drôle, d’autant que c’était le premier jour de tournage. Il y a eu un problème technique, et au lieu d’une journée, on l’a tournée en cinq jours. Le linceul était plaqué sur mon visage, et comme il était mouillé, je ne pouvais pas reprendre ma respiration. Je serrais la main de l’accessoiriste quand cela devenait insupportable. C’est d’ailleurs une vraie torture ! Et comme si ce n’était pas suffisant, je me suis pris des court-jus au niveau des câbles !

Étant donné la particularité de ce tournage, avez-vous eu le sentiment de nouer une relation de plus grande proximité encore avec le réalisateur ?
ML: Oui parce qu’on n’était que tous les deux : le film ne pouvait se faire qu’ensemble, ou pas. On ne pouvait pas se permettre de ne pas aller dans la même direction. Alex s’est totalement adapté à ce que je faisais, et je me suis laissé guider par ses plans. On était obligés d‘être en osmose. Alex est très doux, il n’est pas forcément naturellement enjoué – ce que j’aime beaucoup –, il est très précis et il sait parfaitement verbaliser ce qu’il veut. C’est très agréable et j’y suis allée les yeux fermés.

Avec un film pareil, on peut supposer que vous avez beaucoup répété...
ML: Pas du tout. On s’est dit qu’on allait perdre l’instinct de jeu. J’ai fait un essai costumes, je me suis allongée au sol sur un drap, avec le contour de la boîte, et j’ai tout découvert le premier jour de tournage. C’était formidable parce que si j’avais dû répéter et connaître la boîte, j’aurais perdu en fraîcheur. Mon pote me donnait la réplique, Alex me parlait à l’oreillette et ajoutait des consignes techniques en plein milieu de la scène, ce qui ne me dérangeait pas. On a gagné beaucoup de temps avec cette méthode. Il faut faire confiance et être super malléable. Sinon, cela devient cauchemardesque. La même expérience avec un réalisateur qui ne veut rien lâcher aurait été compliquée. J’ai adoré la disponibilité d’Alex. Une fois de plus, j’étais totalement concentrée sur ma partie, et lui sur la sienne, et nos deux univers se sont parfaitement rencontrés.