Les reflets d’Omar Sy sont démultipliés dans cette photo aux couleurs vives. L’acteur porte une veste de couleur claire, qui tranche avec son environnement, dominé par un orange vif.

Rencontre avec un comédien gentleman

Dans Lupin, dans l’ombre d’Arsène, Omar Sy campe mille personnages en un seul.

Photographie par Marcel Hartmann
10 septembre 20218 MINS

On découvre, en plan panoramique, le Louvre, scintillant dans la nuit, puis on enchaîne sur une équipe d’hommes à l’allure banale qui pénètrent dans un bâtiment du musée. La caméra isole Assane Diop (Omar Sy), braqueur de génie en quête de vengeance et “homme aux mille visages”. Et son identité se démultipliant presque à l’infini n’est que l’un des atouts de la série Lupin, dans l’ombre d’Arsène, signée Netflix.

Assane est campé par Omar Sy, comédien préféré des Français et personnalité charismatique. L’acteur a fait ses débuts comme humoriste au début des années 2000, avant de tourner dans des films comme Nos jours heureuxetTellement proches, tous deux réalisés par Olivier Nakache et Éric Toledano, où il a mis au point le genre de personnage attachant qui l’a fait connaître.

Il s’impose sur la scène internationale avec Intouchables de Nakache et Toledano qui lui vaut un César et conquiert près de 20 millions de spectateurs ! Depuis, il s’est illustré dans de grosses productions américaines comme X-Men : Days of Future Past et Jurassic World, et a donné la réplique à Tom Hanks dans Inferno et Harrison Ford dans The Call of the Wild.

Dix ans après le phénomène d’Intouchables, Omar Sy a sans doute trouvé son rôle le plus populaire auprès du public international. Si Lupin est sa première série, il s’agit aussi de son rôle le plus complexe. Inspirée du célèbre Arsène Lupin de Maurice Leblanc, la série offre une relecture élégante, trépidante et contemporaine d’un personnage depuis longtemps inscrit dans l’imaginaire collectif des Français. Et si le rôle est assez physique, Omar Sy a privilégié la sobriété.“

En général, je suis plus démonstratif. Avec Lupin, j’étais davantage dans la retenue — et c’est un nouveau territoire pour moi”, indique-t-il. “Et puis, on est moins fatigué à la fin de la journée ! ”, plaisante-t-il.

L’image d’Omar Sy se démultiplie encore. L’acteur porte ici un manteau brun orangé et des Jordan 1 rouges.

Manteau, pull et pantalon : Lacoste. Baskets Air Jordan 1 : Nike.

Nous avons rencontré le gentleman comédien pour évoquer Lupin, dans l’ombre d’Arsène.

Franck Garbarz : Il me semble que vous êtes arrivé sur ce projet dans des conditions de rêve puisque c’est Gaumont qui vous a demandé ce que vous aviez envie de jouer...
Omar Sy : On ne demande pas souvent cela aux acteurs et c’est le genre de chose qui arrive rarement. Je n’ai pas hésité longtemps avant de répondre Arsène Lupin, le personnage idéal pour un comédien — il est charmeur, malin, il endosse plusieurs personnalités et il permet de traverser toutes sortes d’aventures. Si j’étais anglais, j’aurais répondu James Bond. Mais en France, on a Lupin !

Quand on grandit en France, on sait qui est Lupin, on sait à quoi il ressemble, de quoi il est capable — il est l’un de nos héros. Mais j’étais plus familier de la version manga de Lupin, et j’ai donc découvert le personnage dans les années 80 grâce au point de vue japonais sur l’œuvre de Maurice Leblanc ! Quand je me suis engagé dans le projet, je me suis mis à lire les livres et à revoir toutes les adaptations. Je dois dire que l’interprétation de Georges Descrières (dans la série des années 70) est ma préférée.

Omar Sy, face à l’appareil photo, porte un costume gris clair

Costume : Brunello Cucinelli. T-shirt : Louis Vuitton.

La série se déroule sur deux temporalités, puisqu’on s’attache à Assane aujourd’hui, puis qu’on le retrouve, enfant et adolescent, dans les années 90 à travers plusieurs flash-backs. C’était jubilatoire pour vous, en tant qu’acteur ?
OS : C’était dément ! Quand on parle de Lupin, on pense immédiatement au côté fun, aux casses, au cambrioleur génial, au mec futé qui a toujours un coup d’avance sur les autres, à l’action — c’est très jouissif. Pour le jeu, en tant qu’acteur, on doit prendre en compte le passé et la trajectoire du personnage, les zones d’ombre, les nuances. George Kay et François Uzan, les créateurs, voulait explorer l’enfance d’Assane. Je me suis dit que ce serait intéressant de voir ce que Mamadou Haidara, qui joue Assane enfant, allait faire et m’en servir dans mon jeu. Quand on tient compte de tout cela, on peut se permettre plus de choses nouvelles, parce qu’on a la trajectoire du personnage en tête qui enrichit le jeu.

Contrairement au héros de Maurice Leblanc, Assane ne se grime presque jamais, mais change pourtant d’identité à la vitesse de l’éclair.
OS : On s’est demandé comment il pouvait passer d’une incarnation à l’autre dans le monde actuel. On n’allait pas reprendre l’effet du masque à la Mission : Impossible, et on est donc allé au plus simple : Assane est marqué par un sentiment d’injustice — le fait de ne pas être considéré, d’être invisible — qui devient son traumatisme. Il s’en sert. En changeant de costume et de métier, il arrive à se fondre dans la masse. C’est quelque chose qui me parle très bien parce que je m’y retrouve totalement. Quand je faisais de la télé, il me suffisait d’un bonnet et d’une paire de lunettes pour changer d’identité. Avec de toutes petites choses, Assane réussit à s’élever dans la société parce qu’aujourd’hui, on s’attache davantage à ce que font les gens qu’à ce qu’ils sont.

En tout cas, j’ai pris mon pied !

Omar Sy

Comment avez-vous construit le personnage à partir des costumes ?
OS : On en a beaucoup parlé avec l’équipe Costumes. On savait qu’il avait une iconographie très forte. Il fallait créer quelque chose de nouveau sans trahir l’esprit de Lupin. On lui a donné un long manteau, qui rappelle la fameuse cape. On voulait aussi qu’il porte quelque chose sur la tête : on a choisi le béret pour être élégant et français. Et on a apporté notre touche de modernité avec les baskets Jordan 1.

Quels sont les rapports du personnage avec la police ?
OS : Il a un rapport affectif avec les policiers qui cherchent à l’arrêter. Dans les livres, Lupin est assez semblable. Il joue avec la police, il a un — ou plusieurs — coup (s) d’avance sur eux, mais il a de la sympathie pour l’inspecteur Ganimard et il lui rend même service. Dans les dernières nouvelles de Leblanc, Lupin est détective et il est ami avec le préfet de police. On a voulu garder cette idée avec le personnage de l’inspecteur Guedira (Soufiane Guerrab). En réalité, c’est l’homologue d’Assane. Si on oublie que l’un est flic et l’autre voleur, ce sont juste deux geeks d’Arsène Lupin !

Votre personnage cherche à venger son père (Fargass Assandé), mais il a aussi un fils (Etan Simon). Que pensez-vous du propos de la série sur la paternité ?
OS : Ce qui m’a plu, c’est qu’elle parle de la paternité dans les deux sens. Assane a du mal à être fils et à être père. Quand il s’attache à venger son père, il se comporte de manière un peu puérile et n’assume pas ses responsabilités de père, et quand il passe du temps avec son fils, il oublie un peu sa quête de vengeance. La série parle aussi d’héritage : le père d’Assane remet à son fils le livre Arsène Lupin. Qu’est-ce qu’il en fera ? Et comment le transmettra-t-il à son propre fils ?

Omar Sy se détache dans un univers orangé.

Comment s’est passé le tournage de la séquence spectaculaire au Louvre ?
OS : C’était dingue ! Quand j’ai lu le scénario, je me suis dit qu’on n’allait jamais pouvoir tourner au Louvre. Cela a été une surprise incroyable lorsque le Louvre non a non seulement ouvert ses portes, mais s’est révélé super souple et accueillant. À tel point qu’au bout de cinq nuits sur place, j’avais l’impression d’être chez moi. On avait le sentiment d’être dans un décor normal, sauf qu’à un moment donné, je me suis rendu compte que j’étais seul avec la Joconde pendant plus de quinze minutes. C’est un moment que je n’oublierai jamais. Je ne sais pas qui, en dehors de moi, a déjà eu une date avec la Joconde !

C’est votre première série. Est-ce très différent d’un long métrage ?
OS : Je l’ai vécu très différemment. C’est comme un film de dix heures. C’était différent dans la manière d’aborder le personnage, d’exprimer ses émotions et son évolution. Tout se fait plus lentement. J’avais déjà travaillé pour la télévision, mais j’ai l’impression que les plateformes sont à part : on travaille sur un rythme de télévision, mais avec les moyens du cinéma. En tout cas, j’ai pris mon pied !