Majors League

Dans The Harder They Fall,Jonathan Majors mêle réalité et fiction pour raconter une histoire de vengeance.

Photographie par Emman Montalvan
15 octobre 20219 MINS

Jonathan Majors avait passé des semaines à se préparer pour son rôle principal dans un western révolutionnaire, au casting exclusivement afro-américain, lorsqu’il a appris la terrible nouvelle. La veille du premier jour de tournage, la production s’était arrêtée. En raison de l’avancée du Covid dans le monde, il aurait été trop risqué de continuer. Les acteurs et l’équipe se sont donc dispersés, sans même savoir s’ils allaient revenir dans l’État du Nouveau-Mexique, où le tournage devait se dérouler.

Mais Jonathan Majors n’est pas parti. Il a préféré utiliser cette période de confinement pour développer davantage son personnage de bandit armé, Nat Love, un hors-la-loi calculateur prêt à tout pour retrouver l’homme responsable du meurtre de ses parents, et ainsi pouvoir assouvir sa vengeance.

« Je suis resté à Santa Fé », explique Jonathan Majors. « Je me suis dit D’accord, je vais rester dans cette ville, me construire une vie et travailler mon personnage afin de devenir un vrai cowboy. Je n’avais jamais fait cela auparavant, même si je crois vraiment en la préparation immersive. Me plonger dans un rôle pendant une année entière avant le tournage était un vrai défi pour moi : il me fallait adopter cet état d’esprit et le maintenir. Nat Love étant un leader, cette période me semblait être l’occasion idéale pour me glisser dans la peau du personnage. Quand tout le monde est revenu, Nat était encore là, et tout le monde s’est dit : « OK, on peut faire confiance à ce gars. Il va nous montrer la voie ». 

Le premier long-métrage du scénariste, réalisateur et musicien britannique Jeymes Samuel, The Harder They Fall, est un évènement pour Jonathan Majors qui incarne pour la première fois le rôle principal d’un drame épique ; c’est un moment important dans la carrière de n’importe quel acteur. Aujourd’hui âgé de 31 ans, Jonathan Majors a fait mieux encore : il a réussi non seulement à incarner la figure de proue de ce film de deux heures, riche en action et en aventure, mais aussi à s’imposer à l’écran aux côtés d’un casting 5 étoiles, chaque acteur interprétant une version romancée de personnages historiques.  

Nat Love (Jonathan Majors) rides a beautiful brown and white horse through a muddy street at nighttime. The scene is lit by house lights on either side of Majors path, and people mingle about. Majors smokes and wears a wide brimmed hat and poncho.

Nat Love (Jonathan Majors)

David Lee

Idris Elba joue la cible de Nat Love, Rufus Buck, dont les complices, Trudy Smith et Cherokee Bill, sont respectivement interprétés par l’oscarisée Regina King et LaKeith Steinfield, lui aussi nommé aux Oscars. La bande de Nat Love compte parmi ses membres Stagecoach Mary Fields (Zazie Beetz), Bill Picket (Edi Gathegi) et le shérif adjoint Bass Reeves (Delroy Lindo). Selon Jonathan Majors, les acteurs ont tous adhéré à la vision de Jeymes Samuel, eux aussi séduits par l’esprit novateur du scénario.

« Je crois que nous avions tous compris l’importance de ce que nous faisions » dit Jonathan Majors. « Nous étions en train de créer un western dont tous les personnages sont noirs. Un film avec du cœur, de la culture, du swag, de la finesse, de la grâce, du cran, et un budget suffisant pour obtenir un bon résultat. » 

Dès le début du projet, il n’y avait aucun doute pour Jeymes Samuel. Le seul acteur qui possédait toutes les qualités nécessaires (le cœur, la finesse, la grâce et le talent) pour incarner Nat Love était Jonathan Majors. En fait, il ne lui a même pas demandé de passer une audition avant de lui offrir le rôle principal dans The Harder They Fall. Jeymes Samuel a tout simplement visionné une interview de Jonathan Majors alors qu’il faisait la promotion du film Undercover : Une histoire vraie (2018) et il a tout de suite su qu’il avait trouvé son homme. « Je me suis dit : voilà Nat Love » se souvient Jeymes Samuel. « Je savais au plus profond de moi que c’était Nat Love. Le choix de Jonathan Majors pour ce rôle n’était que de l’instinct pur. » 

Et son instinct ne l’a pas trompé. Malgré son jeune âge, Jonathan Majors s’est imposé depuis longtemps comme l’un des meilleurs acteurs de sa génération. Pendant sa dernière année à l’École d’Art Dramatique de Yale, il a été choisi pour jouer dans la mini-série télévisée When We Rise (2017), sur l’histoire des mouvements homosexuels. Deux ans après, sa carrière a vraiment décollé grâce à sa performance dans The Last Black Man in San Francisco (2019), pour laquelle il a été nommé aux Gotham Awards dans la catégorie « révélation de l’année » et aux Spirit Awards en tant meilleur acteur dans un second rôle. 

Nat Love (Jonathan Majors) holds two guns in opposing directions. He wears a dark hat, gray shirt, brown jacket with gold peacoat buttons, a red handkerchief, and navy pants. His smile is dissonant with this high intensity picture.

Nat Love (Jonathan Majors)

David Lee

En 2020, Jonathan Majors a ensuite été salué pour son rôle dans le drame Da 5 Bloods : Frères de sang de Spike Lee, où il incarne un jeune épris de justice sociale face à un père traumatisé et partisan de Trump, joué par Delroy Lindo. Il a continué son ascension avec une nomination dans la catégorie du meilleur acteur aux Emmy Awards pour son rôle dans la série Lovecraft Country, où il interprète Atticus Freeman, un vétéran de la guerre de Corée.

Jonathan Majors a déjà prévu la suite de The Harder They Fall et tourne actuellement le film Ant-Man and the Wasp: Quantumania (2023), dans lequel il devrait jouer Kang le conquérant, le principal adversaire de la prochaine vague de blockbusters de l’univers Marvel. (Bien que Jonathan Majors ait joué une incarnation possible de ce personnage dans la série Loki (2021), le studio n’a encore pas confirmé cette information). 

L’intérêt de Jonathan Majors pour The Harder They Fall n’est pas surprenant, étant donné son parcours personnel. Le film se déroule d’ailleurs sur un territoire qu’il connaît bien. Né à Lompoc, une ville californienne, Jonathan Majors a grandi au Texas, passant le plus clair de son temps aux environs de Dallas, où sa mère et son oncle possédaient des chevaux. De plus, son grand-père regardait souvent des westerns comme Gunsmoke. « La culture des cowboys fait partie de notre culture, tout simplement parce que c’est un mode de vie », explique Jonathan Majors, qui a commencé à monter à cheval déjà adulte, alors qu’il se préparait pour son premier long-métrage, Hostiles (2017). « Le long de la route, vous verrez toujours un tracteur, un cheval, ou un homme en train de tirer son âne. Les membres de ma famille sont des gens du rodéo. » 

Je voudrais que mon art soit aussi pertinent que possible. Je veux être au service de quelque chose. 

Jonathan Majors

En dehors de ce lien personnel, Jonathan Majors explique qu’il a vu dans le rôle de Nat Love l’opportunité de se lancer dans un projet qui avait un sens, tant sur le plan artistique que politique : « Ce que je recherche dans un film est toujours son niveau de difficulté. Pour dépeindre l’histoire d’une façon véridique, quelle part de moi-même vais-je devoir utiliser ? De quelle manière ? Je voudrais que mon art soit aussi pertinent que possible. J’estime qu’être acteur est un service et je veux être au service de quelque chose. Si mon personnage est un frère et que tous les autres personnages sont des frères, cela va fonctionner. Cela va me donner une raison de me battre. » 

Même si Jonathan Majors connaissait bien ces cowboys noirs, comme Bill Picket, véritable légende du rodéo et inventeur du bulldogging, il n’avait jamais entendu parler de Nat Love, un ancien esclave venu du Tennessee, avant de décrocher le rôle. « C'est intéressant, parce que Nat Love avait quelque chose que beaucoup d’autres personnages n’avaient pas », explique Jonathan Majors. « Il avait une autobiographie. Il inventait tout. Il racontait des histoires sur lui-même. J’ai considéré The Harder They Fall comme un autre chapitre de ce livre. Cette histoire aurait pu tout aussi bien se produire dans l’imagination de cet homme incroyable. » 

Pour se préparer à interpréter Nat Love, Jonathan Majors a commencé par faire des recherches sur le passé de cet homme, en même temps qu’il s’améliorait en équitation. Il a également étudié le livre de Bessel Van Der Kolk sur la guérison des traumatismes, Le corps n’oublie rien. « La façon dont Nat Love se tient, dont il parle, tout cela s’explique par ce qui lui est arrivé à l’âge de 10 ans », déclare Jonathan Majors. « Son corps a réagi à cet évènement. Il est devenu grand et fort à cause de cela. Toute cette histoire que vous regardez est animée par l’imagination et la douleur d’un gamin de 10 ans. C’est comme s’il jouait à être un cowboy. Il s’y est entraîné. » 

Pendant le tournage, Jonathan Majors a poussé ses limites physiques. « C’est un véritable cowboy », dit le réalisateur Jeymes Samuel à son propos. « Il n’y a pas de cascadeur pour Jonathan Majors dans ce film. Toutes ces cascades au galop, en selle sans les mains, tout en tirant sur sa cible, tout cela, c’est lui. » 

Nat Love (Jonathan Majors) and Stagecoach Mary Fields (Zazie Beetz) stand back to back, their guns at the ready. They both wear brown jackets. Mary carries a long rifle and Majors holds a pistol.

Nat Love (Jonathan Majors) et Stagecoach Mary Fields (Zazie Beetz)

David Lee

L’acteur a souffert d’un sévère contretemps lorsqu’il s’est brisé le talon un mois avant la fin du tournage. Il était cependant déterminé à ne pas laisser cette blessure le mettre sur la touche. « Les cascades étaient un défi extraordinaire, mais je les adorais », affirme Jonathan Majors. « Il fallait que ce soit réel, et il y avait des jours où ils me laissaient vraiment monter à cheval. Quand je me suis cassé le talon en faisant l’une des cascades, c’était vraiment dur car c’est le genre de blessure pour laquelle on ne peut rien faire. Mais, même à ce moment-là, je me suis dit Merde, ça fait un an que t’es là, ce n’est pas ce talon qui va te freiner ! Tout cela fait partie du métier. » 

Ce niveau d’engagement n’est pas passé inaperçu auprès des autres acteurs du film. « Il a été incroyable », s’extasie Idris Elba. « C’est un vrai gentleman, avec un grand cœur et très curieux du métier. Nous avons passé pas mal de temps ensemble, car j’avais vraiment envie d’apprendre à le connaître et c’était réciproque, même si nos personnages ne se connaissent pas dans le film. Nous avions envie d’apporter tout cela à la scène finale, et il nous fallait tisser des liens très forts pour y arriver. Cela exige d’avoir deux acteurs qui se comprennent et qui sont prêts à échouer, à tomber, à tout donner devant l’autre. Je me suis beaucoup rapproché de Jonathan Majors. C’est vraiment un mec génial. » 

Cette persévérance et cet esprit indomptable sont également des qualités que Jonathan Majors dit avoir héritées d’un proche parent qui l’a inspiré pour cerner son personnage de Nat Love. « Nat Love est dédié à mon oncle Chuck », explique Jonathan Majors. « Il m’a protégé pour que je puisse être libre. Il s’est occupé de moi quand les choses étaient compliquées financièrement. Je pense à lui, au petit garçon qui a grandi dans une ferme. Il mérite d’être salué. Si son neveu peut aujourd’hui faire ce qu’il fait et raconter son histoire, la boucle est bouclée. »